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dictionnaire:pax6 [2013/04/10 14:29] vandaele [6.2.1. Pāx et sa « famille »] |
dictionnaire:pax6 [2014/12/17 18:46] (Version actuelle) desiderio |
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- | <html><div class="titre"> pāx, pācis f. (substantif) </div></html> | + | <html><p class="lestitres">pāx, pācis f.</p></html><html><center><big><big>(substantif)</big></big></center></html> |
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====== 6. Histoire du lexème ====== | ====== 6. Histoire du lexème ====== | ||
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- | La première question qui se pose est celle de savoir si l’on doit poser une ou deux racines indo-européennes. Le [[:dictionnaire:liv|LIV]] pose une racine intransitive %%*%%//peh2ǵ-// « //fest werden// » (« se stabiliser, s’immobiliser ») et une racine transitive %%*%%//peh2ḱ-// « //festmachen// » (« immobiliser, stabiliser »). Cette distinction tranchée est sans doute excessive, car il paraît certain qu’il faut partir d’une unique racine %%*%%//peh2ḱ-//, dépourvue d’orientation de diathèse, comme le sont normalement les racines ; %%*%%//peh2ǵ-// doit être au départ une variante contextuelle qui a fini par acquérir son indépendance. « L’existence d’une double forme %%*%%//pāk-//, %%*%%//pək-// et %%*%%//pāg-//, %%*%%//pəg-// dans une racine qui fournit des formes radicales athématiques comme lat. //pāx// et comme le présent à infixe sur lequel reposent lat. //pangō// et got. //fāhan// (de %%*%%//fanhan//) n’a rien que de naturel. » ([[:em|EM]] s.v. %%*%%//pacō//) | + | La première question qui se pose est celle de savoir si l’on doit poser une ou deux racines indo-européennes. Le [[:dictionnaire:liv|LIV]] pose une racine intransitive %%*%%//peh<sub>2</sub>ǵ-// « //fest werden// » (« se stabiliser, s’immobiliser ») et une racine transitive %%*%%//peh<sub>2</sub>ḱ-// « //festmachen// » (« immobiliser, stabiliser »). Cette distinction tranchée est sans doute excessive, car il paraît certain qu’il faut partir d’une unique racine %%*%%//peh<sub>2</sub>ḱ-//, dépourvue d’orientation de diathèse, comme le sont normalement les racines ; %%*%%//peh<sub>2</sub>ǵ-// doit être au départ une variante contextuelle qui a fini par acquérir son indépendance. « L’existence d’une double forme %%*%%//pāk-//, %%*%%//pək-// et %%*%%//pāg-//, %%*%%//pəg-// dans une racine qui fournit des formes radicales athématiques comme lat. //pāx// et comme le présent à infixe sur lequel reposent lat. //pangō// et got. //fāhan// (de %%*%%//fanhan//) n’a rien que de naturel. » ([[:em|EM]] s.v. %%*%%//pacō//) |
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- | Le verbe pangere signifie « planter, ficher »((Au sens matériel : Liu. 7, 3, 5 //ut, qui praetor maximus sit, idibus Septembribus clauum pangat//.)), d’où « établir solidement, conclure ». Une formation parallèle, à infixe nasal, est représentée en germanique, mais elle suppose une vélaire sourde en fin de racine((On se reportera aux dictionnaires habituels : [[Seebold]] 1970 s.v. //FANH-A-//, [[Feist]] 1939 s.v. //fāhan//, [[Lehmann]] 1986 s.v., //fāhan//, [[Kluge-Seebold]] s.v. //fangen//.)): got. //fāhan//, vha. //fāhan//, visl. //fá// (/fā/), v.angl. //fōn// < germ. %%*%%//fāhana-// < %%*%%//faŋxanam// < %%*%%//pankanam//((En germanique, une séquence /aŋx/ passait d’abord à /ãx/ puis à /āx/.)). | + | Le verbe //pangere// signifie « planter, ficher »((Au sens matériel : Liu. 7, 3, 5 //ut, qui praetor maximus sit, idibus Septembribus clauum pangat//.)), d’où « établir solidement, conclure ». Une formation parallèle, à infixe nasal, est représentée en germanique, mais elle suppose une vélaire sourde en fin de racine((On se reportera aux dictionnaires habituels : [[Seebold]] 1970 s.v. //FANH-A-//, [[Feist]] 1939 s.v. //fāhan//, [[Lehmann]] 1986 s.v., //fāhan//, [[Kluge-Seebold]] s.v. //fangen//.)): got. //fāhan//, vha. //fāhan//, visl. //fá// (/fā/), v.angl. //fōn// < germ. %%*%%//fāhana-// < %%*%%//faŋxanam// < %%*%%//pankanam//((En germanique, une séquence /aŋx/ passait d’abord à /ãx/ puis à /āx/.)). |
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- | Depuis le XIXe s., les savants ont été tentés de rapprocher de %%*%%//pāg-///%%*%%//păg-// l’adjectif sk. //pajrá-// « fort, solide, stable ; sur quoi/qui l’on peut compter, sûr ». Le problème est que, aujourd’hui, la racine se posant sous la forme degré plein %%*%%//peh2g/k-// et degré %%*%%//ph2g/k-//, on ne peut a priori obtenir un a radical en sanskrit. En ce qui concerne lat. //pignus, -oris//, le rapprochement avec la famille de //pangere// a été proposé depuis longtemps pour des raisons sémantiques, mais il achoppait sur le vocalisme radical. La première prise en compte du sens et de la formation de pignus remonte à un article fameux de Meillet, « Sur le suffixe indo-européen %%*%%//-nes-// »((MSL 15, 1908-1909, p. 254-264.)). Meillet insérait //pignus// dans un ensemble de termes d’aspect juridique qui ont tous à voir avec la richesse et la propriété ; citons entre autres sk. //rékṇa-, ápna-// « biens richesses », //dráviṇa-// « biens mobiliers », gr. κτήνεα « biens, troupeaux », δάνος « argent prêté à intérêts », lat. //fēnus// « produit, intérêts », //pignus// « gage », //mūnus// (pl. fréquent //mūnia//) « cadeau, service rendu, fonction ». Pour autant, Meillet ne proposait aucune étymologie satisfaisante pour //pignus//. Pourtant, d’autres ont soutenu le rapprochement de //pignus// avec //pangere// pour des raisons de sens, sans pour autant apporter d’explication formelle convaincante. « Daß das Wort zu //păngo// gehört, écrivait Niedermann en 1897, wird wohl von niemandem bezweifelt. »((Cité par Sandoz 1986 p. 567.)) Et Mahlow, en 1926 : « //pignus// Pfand gehört offenbar zu pactum, also zur Wurzel pak. Ein //pignus// sichert die Erfüllung des //pactum//. » En effet, le //pignus// est ce qui garantit l’accord (la valeur du substantif est « médiative »). Et l’on trouve la //iunctura pignus// / //pignora pacis// chez Virgile et Tite-Live((Voir Sandoz 1986 p. 572.)). | + | Depuis le XIXe s., les savants ont été tentés de rapprocher de %%*%%//pāg-///%%*%%//păg-// l’adjectif sk. //pajrá-// « fort, solide, stable ; sur quoi/qui l’on peut compter, sûr ». Le problème est que, aujourd’hui, la racine se posant sous la forme degré plein %%*%%//peh<sub>2</sub>g/k-// et degré %%*%%//ph<sub>2</sub>g/k-//, on ne peut a priori obtenir un a radical en sanskrit. En ce qui concerne lat. //pignus, -oris//, le rapprochement avec la famille de //pangere// a été proposé depuis longtemps pour des raisons sémantiques, mais il achoppait sur le vocalisme radical. La première prise en compte du sens et de la formation de pignus remonte à un article fameux de Meillet, « Sur le suffixe indo-européen %%*%%//-nes-// »((MSL 15, 1908-1909, p. 254-264.)). Meillet insérait //pignus// dans un ensemble de termes d’aspect juridique qui ont tous à voir avec la richesse et la propriété ; citons entre autres sk. //rékṇa-, ápna-// « biens richesses », //dráviṇa-// « biens mobiliers », gr. κτήνεα « biens, troupeaux », δάνος « argent prêté à intérêts », lat. //fēnus// « produit, intérêts », //pignus// « gage », //mūnus// (pl. fréquent //mūnia//) « cadeau, service rendu, fonction ». Pour autant, Meillet ne proposait aucune étymologie satisfaisante pour //pignus//. Pourtant, d’autres ont soutenu le rapprochement de //pignus// avec //pangere// pour des raisons de sens, sans pour autant apporter d’explication formelle convaincante. « Daß das Wort zu //păngo// gehört, écrivait Niedermann en 1897, wird wohl von niemandem bezweifelt. »((Cité par Sandoz 1986 p. 567.)) Et Mahlow, en 1926 : « //pignus// Pfand gehört offenbar zu pactum, also zur Wurzel pak. Ein //pignus// sichert die Erfüllung des //pactum//. » En effet, le //pignus// est ce qui garantit l’accord (la valeur du substantif est « médiative »). Et l’on trouve la //iunctura pignus// / //pignora pacis// chez Virgile et Tite-Live((Voir Sandoz 1986 p. 572.)). |
- | //Pignus// pourrait certes s’expliquer par %%*%%//peg-// ou %%*%%//pek-//, avec la même fermeture de la voyelle devant //-gn-// qu’on observe dans //dignus//, //tignum//, //lignum//, //signum//, mais %%*%%//peg-// ne paraît pas a priori pouvoir être un produit de %%*%%//peh2g/k-// ou %%*%%//ph2g/k-//. Admettre, comme d’aucuns l’ont fait, une « Nebenform » sans laryngale n’est pas une solution satisfaisante. | + | //Pignus// pourrait certes s’expliquer par %%*%%//peg-// ou %%*%%//pek-//, avec la même fermeture de la voyelle devant //-gn-// qu’on observe dans //dignus//, //tignum//, //lignum//, //signum//, mais %%*%%//peg-// ne paraît pas a priori pouvoir être un produit de %%*%%//peh<sub>2</sub>g/k-// ou %%*%%//ph<sub>2</sub>g/k-//. Admettre, comme d’aucuns l’ont fait, une « Nebenform » sans laryngale n’est pas une solution satisfaisante. |
- | La question a été reprise par Lamberterie (1996). On peut ramener //pignus// à la racine %%*%%//peh2g/k-//, au degré plein, si l’on admet une application de la « loi de Lubotsky » : une séquence %%*%%/eHD+C > eD+C (D = occlusive sonore ; C = toute consonne). Autrement dit, la laryngale tombe lorsqu’elle est la première d’un groupe de trois consonnes dont la seconde est une occlusive sonore. Ainsi peut s’expliquer //pignus// < %%*%%//peg/k-nes-// < %%*%%//peh2g/k-nes-//, de même que sk. //pajrá-// < %%*%%//peg-ro-// < %%*%%//peh2g-ro-//. | + | La question a été reprise par Lamberterie (1996). On peut ramener //pignus// à la racine %%*%%//peh<sub>2</sub>g/k-//, au degré plein, si l’on admet une application de la « loi de Lubotsky » : une séquence %%*%%/eHD+C > eD+C (D = occlusive sonore ; C = toute consonne). Autrement dit, la laryngale tombe lorsqu’elle est la première d’un groupe de trois consonnes dont la seconde est une occlusive sonore. Ainsi peut s’expliquer //pignus// < %%*%%//peg/k-nes-// < %%*%%//peh<sub>2</sub>g/k-nes-//, de même que sk. //pajrá-// < %%*%%//peg-ro-// < %%*%%//peh<sub>2</sub>g-ro-//. |
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- | Lat. pāx est un nom-racine hérité qui doit sa longue à l’allongement des monosyllabes. | + | Lat. //pāx// est un nom-racine hérité qui doit sa longue à l’allongement des monosyllabes. |
- | Il faut sans doute partir d’un étymon it. com. %%*%%păk- f. « lien, accord, paix ». | + | Il faut sans doute partir d’un étymon it. com. %%*%%//păk-// f. « lien, accord, paix ». |
- | L’archaïque păciō f. « convention, accord entre deux parties » reflète le thème %%*%%păk- à brève radicale de la même façon que dĭciō continue l’ancien nom-racine %%*%%díḱ-s. Le gotique %%*%%fagrs « convenable » et le v.h.a. fagar « beau » reflètent un dérivé germ. com. %%*%%faǥraz (< %%*%%ph2ḱ-ró- « adapté à, lié avec »). | + | L’archaïque //păciō// f. « convention, accord entre deux parties » reflète le thème %%*%%//păk-// à brève radicale de la même façon que //dĭciō// continue l’ancien nom-racine %%*%%//díḱ-s//. Le gotique %%*%%//fagrs// « convenable » et le v.h.a. //fagar// « beau » reflètent un dérivé germ. com. %%*%%//faǥraz// (< %%*%%//ph<sub>2</sub>ḱ-ró-// « adapté à, lié avec »). |
- | Il existe un dérivé %%*%%ph2ḱ-tó- dans le lat. %%*%%păc-tus « en accord avec » qui est à la source du déponent păc-īscor. On relève dis-pec-tus « dont l’accord est rompu » (< %%*%%dwis-păk-to-) chez Apulée, (Mét. 4, 26, 8, dispectæ nuptiæ « mariage rompu »). | + | Il existe un dérivé %%*%%//ph<sub>2</sub>ḱ-tó-// dans le lat. %%*%%//păc-tus// « en accord avec » qui est à la source du déponent //păc-īscor//. On relève //dis-pec-tus// « dont l’accord est rompu » (< %%*%%//dwis-păk-to-//) chez Apulée, (Mét. 4, 26, 8, //dispectæ nuptiæ// « mariage rompu »). |
- | Il est donc possible que le lat. %%*%%păctus « en accord avec » soit à l’origine du v.-lat. păcō « établir une convention ». | + | Il est donc possible que le lat. %%*%%//păctus// « en accord avec » soit à l’origine du v.-lat. //păcō// « établir une convention ». |
- | Pour le sens de « convention », on peut citer le m.-p. pašt « convention, accord » qui continue i.-ir. %%*%%pać-ta- (%%*%%pć-tá- < %%*%%p(H)ć-tá- < %%*%%ph2ḱ-tó-) « lié, en accord ». On peut admettre un nom-racine i.-ir. %%*%%páHć-, %%*%%pHć-ás m. « lien » qui se prolongerait dans le véd. pâśa- m. pl. « rêts, filet », lequel reposerait sur la resegmentation d’un ancien accusatif athématique %%*%%páHć-am (< %%*%%póh2ḱ-ṃ) en %%*%%pâśa-m. Le degré zéro du thème est reflété par l’av. fsǝ̄-bīš. On relève cette vieille forme d’instrumental pluriel fossile dans un passage du Vīdēvdāt 4. 51, aiiaŋhaēnāiš fsǝ̄-bīš auua.pašāṯ « qu’il attache avec des liens de métal ». Il faut admettre ici comme forme de fondation l’ancien génitif singulier %%*%%fs-ō (< i.-ir. %%*%%pHć-ás < %%*%%ph2ḱ-és). On peut a priori admettre un ancien paradigme i.-e. %%*%%póh2ḱ-ṃ, %%*%%pé(h2)ḱ-s « chose fixée, lien » refait en %%*%%póh2ḱ-ṃ avec généralisation de la sourde. Le génitif singulier archaïque %%*%%pé(h2)ḱ-s, présentant l’effet de la loi de Lubotsky, aurait ainsi été normalisé en %%*%%ph2ḱ-és sur degré zéro (GARNIER, 2010 : 328-9). | + | Pour le sens de « convention », on peut citer le m.-p. //pašt// « convention, accord » qui continue i.-ir. %%*%%//pać-ta-// (%%*%%//pć-tá-// < %%*%%//p(H)ć-tá-// < %%*%%//ph<sub>2</sub>ḱ-tó-//) « lié, en accord ». On peut admettre un nom-racine i.-ir. %%*%%//páHć-//, %%*%%//pHć-ás// m. « lien » qui se prolongerait dans le véd. //pâśa-// m. pl. « rêts, filet », lequel reposerait sur la resegmentation d’un ancien accusatif athématique %%*%%//páHć-am// (< %%*%%//póh<sub>2</sub>ḱ-ṃ//) en %%*%%//pâśa-m//. Le degré zéro du thème est reflété par l’av. //fsǝ̄-bīš//. On relève cette vieille forme d’instrumental pluriel fossile dans un passage du //Vīdēvdāt// 4. 51, //aiiaŋhaēnāiš fsǝ̄-bīš auua.pašāṯ// « qu’il attache avec des liens de métal ». Il faut admettre ici comme forme de fondation l’ancien génitif singulier %%*%%//fs-ō// (< i.-ir. %%*%%//pHć-ás// < %%*%%//ph<sub>2</sub>ḱ-és//). On peut a priori admettre un ancien paradigme i.-e. %%*%%//póh<sub>2</sub>ḱ-ṃ//, %%*%%//pé(h<sub>2</sub>)ḱ-s// « chose fixée, lien » refait en %%*%%//póh<sub>2</sub>ḱ-ṃ// avec généralisation de la sourde. Le génitif singulier archaïque %%*%%//pé(h<sub>2</sub>)ḱ-s//, présentant l’effet de la loi de Lubotsky, aurait ainsi été normalisé en %%*%%//ph<sub>2</sub>ḱ-és// sur degré zéro (GARNIER, 2010 : 328-9). |
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