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dictionnaire:pax6 [2013/04/05 15:00] vandaele [6.2.1. Pāx et sa « famille »] |
dictionnaire:pax6 [2014/12/17 18:46] (Version actuelle) desiderio |
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- | <html><div class="titre"> pāx, pācis f. (substantif) </div></html> | + | <html><p class="lestitres">pāx, pācis f.</p></html><html><center><big><big>(substantif)</big></big></center></html> |
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====== 6. Histoire du lexème ====== | ====== 6. Histoire du lexème ====== | ||
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- | La première question qui se pose est celle de savoir si l’on doit poser une ou deux racines indo-européennes. Le [[:dictionnaire:liv|LIV]] pose une racine intransitive %%*%%//peh2ǵ-// « //fest werden// » (« se stabiliser, s’immobiliser ») et une racine transitive %%*%%//peh2ḱ-// « //festmachen// » (« immobiliser, stabiliser »). Cette distinction tranchée est sans doute excessive, car il paraît certain qu’il faut partir d’une unique racine %%*%%//peh2ḱ-//, dépourvue d’orientation de diathèse, comme le sont normalement les racines ; %%*%%//peh2ǵ-// doit être au départ une variante contextuelle qui a fini par acquérir son indépendance. « L’existence d’une double forme %%*%%//pāk-//, %%*%%//pək-// et %%*%%//pāg-//, %%*%%//pəg-// dans une racine qui fournit des formes radicales athématiques comme lat. //pāx// et comme le présent à infixe sur lequel reposent lat. //pangō// et got. //fāhan// (de %%*%%//fanhan//) n’a rien que de naturel. » ([[:em|EM]] s.v. %%*%%//pacō//) | + | La première question qui se pose est celle de savoir si l’on doit poser une ou deux racines indo-européennes. Le [[:dictionnaire:liv|LIV]] pose une racine intransitive %%*%%//peh<sub>2</sub>ǵ-// « //fest werden// » (« se stabiliser, s’immobiliser ») et une racine transitive %%*%%//peh<sub>2</sub>ḱ-// « //festmachen// » (« immobiliser, stabiliser »). Cette distinction tranchée est sans doute excessive, car il paraît certain qu’il faut partir d’une unique racine %%*%%//peh<sub>2</sub>ḱ-//, dépourvue d’orientation de diathèse, comme le sont normalement les racines ; %%*%%//peh<sub>2</sub>ǵ-// doit être au départ une variante contextuelle qui a fini par acquérir son indépendance. « L’existence d’une double forme %%*%%//pāk-//, %%*%%//pək-// et %%*%%//pāg-//, %%*%%//pəg-// dans une racine qui fournit des formes radicales athématiques comme lat. //pāx// et comme le présent à infixe sur lequel reposent lat. //pangō// et got. //fāhan// (de %%*%%//fanhan//) n’a rien que de naturel. » ([[:em|EM]] s.v. %%*%%//pacō//) |
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- | Le verbe pangere signifie « planter, ficher »((Au sens matériel : Liu. 7, 3, 5 ut, qui praetor maximus sit, idibus Septembribus clauum pangat.)), d’où « établir solidement, conclure ». Une formation parallèle, à infixe nasal, est représentée en germanique, mais elle suppose une vélaire sourde en fin de racine((On se reportera aux dictionnaires habituels : [[Seebold]] 1970 s.v. FANH-A-, [[Feist]] 1939 s.v. fāhan, [[Lehmann]] 1986 s.v., fāhan, [[Kluge-Seebold]] s.v. fangen.)): got. fāhan, vha. fāhan, visl. fá (/fā/), v.angl. fōn < germ. %%*%%fāhana- < %%*%%faŋxanam < %%*%%pankanam((En germanique, une séquence /aŋx/ passait d’abord à /ãx/ puis à /āx/.)). | + | Le verbe //pangere// signifie « planter, ficher »((Au sens matériel : Liu. 7, 3, 5 //ut, qui praetor maximus sit, idibus Septembribus clauum pangat//.)), d’où « établir solidement, conclure ». Une formation parallèle, à infixe nasal, est représentée en germanique, mais elle suppose une vélaire sourde en fin de racine((On se reportera aux dictionnaires habituels : [[Seebold]] 1970 s.v. //FANH-A-//, [[Feist]] 1939 s.v. //fāhan//, [[Lehmann]] 1986 s.v., //fāhan//, [[Kluge-Seebold]] s.v. //fangen//.)): got. //fāhan//, vha. //fāhan//, visl. //fá// (/fā/), v.angl. //fōn// < germ. %%*%%//fāhana-// < %%*%%//faŋxanam// < %%*%%//pankanam//((En germanique, une séquence /aŋx/ passait d’abord à /ãx/ puis à /āx/.)). |
- | En vertu du « grammatischer Wechsel » lié au balancement de l’accent, alternaient des formes en %%*%%fāh- et des formes en %%*%%fang-. Le présent all. mod. fangen résulte d’un nivellement secondaire sur le modèle du prétérit et du participe, avec réintroduction de la nasale (vha. fiang, fiangum, gefangan ; mod. fing, gefangen), dans lequel la vélaire se sonorisait car l’accent ne portait pas sur la syllabe précédant ladite vélaire. | + | En vertu du « grammatischer Wechsel » lié au balancement de l’accent, alternaient des formes en %%*%%//fāh-// et des formes en %%*%%//fang-//. Le présent all. mod. //fangen// résulte d’un nivellement secondaire sur le modèle du prétérit et du participe, avec réintroduction de la nasale (vha. //fiang, fiangum, gefangan// ; mod. //fing, gefangen//), dans lequel la vélaire se sonorisait car l’accent ne portait pas sur la syllabe précédant ladite vélaire. |
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- | En regard de fāhan, qui suppose une vélaire sourde, plusieurs langues germaniques ont un substantif neutre, all. Fach (vha. fah), v.sax. fac, v.angl. fæc, v.fr. fek « partie, domaine, section », qui remonte à %%*%%fakam < %%*%%pagam, et suppose en l’espèce une vélaire sonore. On voit que les deux variantes s’échangent sans valeur particulière. | + | En regard de //fāhan//, qui suppose une vélaire sourde, plusieurs langues germaniques ont un substantif neutre, all. //Fach// (vha. //fah//), v.sax. //fac//, v.angl. //fæc//, v.fr. //fek// « partie, domaine, section », qui remonte à %%*%%//fakam// < %%*%%//pagam//, et suppose en l’espèce une vélaire sonore. On voit que les deux variantes s’échangent sans valeur particulière. |
- | L’indo-iranien a gardé des substantifs isolés : sk. pā́śa- masc. plurale tantum « liens, rets, filets » ; une forme non thématisée apparaît, au degré , dans av. fsǝ-bīš, instr. pluriel figé. On relève cette vieille forme d’instrumental pluriel fossile dans un passage du Vīdēvdāt 4. 51, aiiaŋhaēnāiš fsǝ-bīš auua.pašāṯ « qu’il attache avec des liens de métal ». | + | L’indo-iranien a gardé des substantifs isolés : sk. //pā́śa-// masc. plurale //tantum// « liens, rets, filets » ; une forme non thématisée apparaît, au degré , dans av. //fsǝ-bīš//, instr. pluriel figé. On relève cette vieille forme d’instrumental pluriel fossile dans un passage du //Vīdēvdāt// 4. 51, //aiiaŋhaēnāiš fsǝ-bīš auua.pašāṯ// « qu’il attache avec des liens de métal ». |
- | En face de pangō, -ere, on a, sur la variante à sourde, pacīscor, -ī, déponent primitivement intransitif qui n’a que le sens abstrait de « faire un pacte, conclure une transaction, traiter ». Ce pacīscor a relayé le vieux verbe pacō, -ere attesté dans les XII Tables((Cf. Flobert 1975 p. 62. « La transitivation [de pacīscor], note-t-il, a commencé avec des pronoms neutres ou des objets “internes” : pācem, pactum. »)). | + | En face de //pangō, -ere//, on a, sur la variante à sourde, //pacīscor, -ī//, déponent primitivement intransitif qui n’a que le sens abstrait de « faire un pacte, conclure une transaction, traiter ». Ce //pacīscor// a relayé le vieux verbe //pacō, -ere// attesté dans les XII Tables((Cf. Flobert 1975 p. 62. « La transitivation [de //pacīscor//], note-t-il, a commencé avec des pronoms neutres ou des objets “internes” : //pācem, pactum//. »)). |
- | En latin également, l’unicité du radical synchronique latin et de la « racine » i.-e. à l’origine de păc-, pāc- et păng- est indirectement indiquée par l’équivalence entre pacem pangere et pacem pacisci chez Tite-Live((Pacem pangere chez Tite-Live : 9, 11, 6 ; 24, 29, 6 ; 38, 48, 9 ; 38, 48, 11.)) : | + | En latin également, l’unicité du radical synchronique latin et de la « racine » i.-e. à l’origine de //păc-//, //pāc-// et //păng-// est indirectement indiquée par l’équivalence entre //pacem pangere// et //pacem pacisci// chez Tite-Live((//Pacem pangere// chez Tite-Live : 9, 11, 6 ; 24, 29, 6 ; 38, 48, 9 ; 38, 48, 11.)) : |
- | *Liv. 9, 11, 9 : ut quidem tu, quod petisti per pactionem, habeas, tot ciues incolumes, ego pacem, quam hos tibi remittendo pactus sum, non habeam, hoc tu, A. Corneli, hoc uos, fetiales, iuris gentibus dicitis ? | + | *Liv. 9, 11, 9 : //ut quidem tu, quod petisti per pactionem, habeas, tot ciues incolumes, ego pacem, quam hos tibi remittendo pactus sum, non habeam, hoc tu, A. Corneli, hoc uos, fetiales, iuris gentibus dicitis ?// |
- | *Liv. 38, 48, 9 : Antiochum, cum quo pacem pepigerat Scipio. | + | *Liv. 38, 48, 9 : //Antiochum, cum quo pacem pepigerat Scipio.// |
- | Ces deux locutions contiennent un accusatif de l’objet interne et forment une figura etymologica. | + | Ces deux locutions contiennent un accusatif de l’objet interne et forment une //figura etymologica//. |
- | Sandoz (1986, 572) a remarqué une répartition entre pangere et pacīscī : « seules les formes du perfectum [de pangere] et de l’adjectif verbal en %%*%%-to- s’emploient dans le sens institutionnel. Pour l’infectum, les auteurs recourent au déponent pacīscor. Dans la même acception, la langue archaïque atteste encore le présent radical thématique pacō (XII Tables 8, 2 : pacit) ou pagō (XII Tables 1, 6 : pagunt mss., pacunt cj.). On a donc affaire à une situation de supplétisme : pacīscor (v. lat. pacō) s’accorde sémantiquement avec pepigī, pāctum, tandis que le présent infixé pangō a été affecté à la signification d’opérations matérielles. Cette combinaison paradigmatique se vérifie dans un passage comme Plaute, Bacch. 865 (pacisci cum illo paulula pecunia ǀ potes “peut-être pourrais-tu transiger avec lui pour un peu d’argent”), 871 (pacisce quiduis “transige au prix que tu veux”) et 879 (ducentis Philippis rem pepigi “j’ai arrangé l’affaire pour deux cents philippes”, trad. Ernout). » | + | Sandoz (1986, 572) a remarqué une répartition entre //pangere// et //pacīscī// : « seules les formes du perfectum [de //pangere//] et de l’adjectif verbal en %%*%%//-to-// s’emploient dans le sens institutionnel. Pour l’infectum, les auteurs recourent au déponent //pacīscor//. Dans la même acception, la langue archaïque atteste encore le présent radical thématique //pacō// (XII Tables 8, 2 : //pacit//) ou //pagō// (XII Tables 1, 6 : //pagunt// mss., //pacunt// cj.). On a donc affaire à une situation de supplétisme : //pacīscor// (v. lat. //pacō//) s’accorde sémantiquement avec //pepigī, pāctum//, tandis que le présent infixé //pangō// a été affecté à la signification d’opérations matérielles. Cette combinaison paradigmatique se vérifie dans un passage comme Plaute, Bacch. 865 (//pacisci cum illo paulula pecunia// ǀ //potes// “peut-être pourrais-tu transiger avec lui pour un peu d’argent”), 871 (//pacisce quiduis// “transige au prix que tu veux”) et 879 (//ducentis Philippis rem pepigi// “j’ai arrangé l’affaire pour deux cents philippes”, trad. Ernout). » |
- | De l’idée de fixation, on est parfois passé à celle d’ajustement, d’adaptation. On la retrouve en germanique, all. fügen (vha. fuogen), v.angl. fēgan, v.fr. fōgia, d’un causatif germanique occidental %%*%%fōg-ija-. Le latin en a trace dans le préverbé com-pingere ainsi que dans le substantif compāgēs. Ce dernier substantif prend place dans la série des substantifs à nominatif en -ēs, dont la voyelle radicale est longue, et qui sont souvent préfixés (parce qu’ils sont en rapport avec un verbe préverbé) : sēdēs, ambāges. | + | De l’idée de fixation, on est parfois passé à celle d’ajustement, d’adaptation. On la retrouve en germanique, all. //fügen// (vha. //fuogen//), v.angl. //fēgan//, v.fr. //fōgia//, d’un causatif germanique occidental %%*%%//fōg-ija-//. Le latin en a trace dans le préverbé com-pingere ainsi que dans le substantif compāgēs. Ce dernier substantif prend place dans la série des substantifs à nominatif en -//ēs//, dont la voyelle radicale est longue, et qui sont souvent préfixés (parce qu’ils sont en rapport avec un verbe préverbé) : //sēdēs, ambāges//. |
- | Du même type est propāgēs, moins fréquent que son doublet propāgō, -inis « bouture, provin ». Le verbe propāgāre en est sans doute le dénominatif. | + | Du même type est //propāgēs//, moins fréquent que son doublet //propāgō, -inis// « bouture, provin ». Le verbe //propāgāre// en est sans doute le dénominatif. |
- | Le substantif pāx, pācis est, comme le note [[:dictionnaire:em|EM]], un nom-racine nom d’action, « fait de fixer, d’établir (par une convention) ». La voyelle longue peut s’expliquer comme un allongement de monosyllabe tonique développé par le latin, apparu dans la forme de nominatif singulier et étendu ensuite au reste de la flexion ; ou pourrait songer aussi à un trait morphologique caractéristique de certains « noms-racines » dans certaines langues i.-e.((Le problème de l’origine de la voyelle longue se pose aussi pour d’autres substantifs qu’on peut considérer comme des « noms-racines » et qui s’opposent à la voyelle brève du verbe correspondant : uōx, uōcis f. « parole, voix » en face de uŏcāre « appeler », tous deux étant issus d’une « racine » i.-e. *wekw- « parler » ; une voyelle longue est également attestée dans le substantif védique vāc- « parole » (cf. sk. vācam n., vācā f. « parole ») ; rēx, rēg-is m. « roi » en face de rĕgĕrĕ « diriger » (cf. sk. rāj-an- m. « roi », rāj-« diriger »). A l’inverse, le « nom-racine » nom d’agent dŭx, dŭcis « chef, général » a une voyelle brève face à la voyelle longue du verbe dūcĕrĕ « conduire ». D’autres « noms-racines » monosyllabiques au nominatif singulier ont une voyelle brève et ont servi de base de dérivation à un verbe dénominatif qui a conservé la voyelle brève : nĕx, nĕcis f. « meurtre » (d’où est tiré le verbe dénominatif nĕc-ā-re « tuer ») ; *prĕx, prĕcis f. « prière » (attesté seulement au pluriel prĕcēs ; et d’où est tiré le verbe prĕc-ā-rī « prier »).)). | + | Le substantif //pāx, pācis// est, comme le note [[:dictionnaire:em|EM]], un nom-racine nom d’action, « fait de fixer, d’établir (par une convention) ». La voyelle longue peut s’expliquer comme un allongement de monosyllabe tonique développé par le latin, apparu dans la forme de nominatif singulier et étendu ensuite au reste de la flexion ; ou pourrait songer aussi à un trait morphologique caractéristique de certains « noms-racines » dans certaines langues i.-e.((Le problème de l’origine de la voyelle longue se pose aussi pour d’autres substantifs qu’on peut considérer comme des « noms-racines » et qui s’opposent à la voyelle brève du verbe correspondant : //uōx, uōcis// f. « parole, voix » en face de //uŏcāre// « appeler », tous deux étant issus d’une « racine » i.-e. *//wekw-// « parler » ; une voyelle longue est également attestée dans le substantif védique //vāc-// « parole » (cf. sk. //vācam// n., //vācā// f. « parole ») ; //rēx, rēg-is// m. « roi » en face de //rĕgĕrĕ// « diriger » (cf. sk. //rāj-an-// m. « roi », //rāj-//« diriger »). A l’inverse, le « nom-racine » nom d’agent //dŭx, dŭcis// « chef, général » a une voyelle brève face à la voyelle longue du verbe //dūcĕrĕ// « conduire ». D’autres « noms-racines » monosyllabiques au nominatif singulier ont une voyelle brève et ont servi de base de dérivation à un verbe dénominatif qui a conservé la voyelle brève : //nĕx, nĕcis// f. « meurtre » (d’où est tiré le verbe dénominatif //nĕc-ā-re// « tuer ») ; *//prĕx, prĕcis// f. « prière » (attesté seulement au pluriel //prĕcēs// ; et d’où est tiré le verbe //prĕc-ā-rī// « prier »).)). |
- | Pāx a un correspondant ombrien, connu exclusivement à l’ablatif pase < %%*%%pāk-ed, qui n’apparaît que dans la formule pase tua / pase uestra, correspondant à lat. pāce tuā / uestrā « avec ta/votre bienveillance (= « soit dit/fait sans vous/t’offenser ») », qui s’applique, dans les Tables de Gubbio, à la pax deorum((Cf. [[WOU]] (s.u. pase) et Ancillotti-Cerri (1996, 389).)). L’ombrien connaît une postposition paca, avec régime au génitif, qui est l’ablatif d’un nom %%*%%pākā((De structure comparable à lat. grātiā, causā.)). Le sens est « à cause de, pour le bien de » : VIa 19-20 ocrer pehaner paca « pour le bien de la cité à purifier »((Cf. [[WOU]] (2000 s.u. paca) et Ancillotti-Cerri (1996, 388).)). | + | //Pāx// a un correspondant ombrien, connu exclusivement à l’ablatif //pase// < %%*%%//pāk-ed//, qui n’apparaît que dans la formule //pase tua// / //pase uestra//, correspondant à lat. //pāce tuā// / //uestrā// « avec ta/votre bienveillance (= « soit dit/fait sans vous/t’offenser ») », qui s’applique, dans les Tables de Gubbio, à la //pax deorum//((Cf. [[WOU]] (s.u. //pase//) et Ancillotti-Cerri (1996, 389).)). L’ombrien connaît une postposition //paca//, avec régime au génitif, qui est l’ablatif d’un nom %%*%%//pākā//((De structure comparable à lat. //grātiā, causā//.)). Le sens est « à cause de, pour le bien de » : VIa 19-20 //ocrer pehaner paca// « pour le bien de la cité à purifier »((Cf. [[WOU]] (2000 s.u. //paca//) et Ancillotti-Cerri (1996, 388).)). |
- | Enfin, un adjectif pacer < %%*%%pāk-ri- est attesté en ombrien, marrucin, marse, pélignien. Appliqué aux dieux, et étroitement associé à l’adjectif fons < %%*%%fau-ni- « bienveillant, favorable » (cf. lat. faueō), cet adjectif semble avoir le sens de « bienveillant, propice, favorable »((Cf. Untermann (2000 s.v. pacer) et Ancillotti-Cerri (1996, 388).)) ; pacer fait manifestement allusion à la pax deorum, notion religieuse caractéristique de l’Italie ancienne. | + | Enfin, un adjectif //pacer// < %%*%%//pāk-ri-// est attesté en ombrien, marrucin, marse, pélignien. Appliqué aux dieux, et étroitement associé à l’adjectif //fons// < %%*%%//fau-ni-// « bienveillant, favorable » (cf. lat. //faueō//), cet adjectif semble avoir le sens de « bienveillant, propice, favorable »((Cf. Untermann (2000 s.v. //pacer//) et Ancillotti-Cerri (1996, 388).)) ; //pacer// fait manifestement allusion à la //pax deorum//, notion religieuse caractéristique de l’Italie ancienne. |
- | Le cas de pignus, -oris et de sk. pajrá-. | + | Le cas de //pignus, -oris// et de sk. //pajrá-//. |
- | Depuis le XIXe s., les savants ont été tentés de rapprocher de %%*%%pāg-/%%*%%păg- l’adjectif sk. pajrá- « fort, solide, stable ; sur quoi/qui l’on peut compter, sûr ». Le problème est que, aujourd’hui, la racine se posant sous la forme degré plein %%*%%peh2g/k- et degré %%*%%ph2g/k-, on ne peut a priori obtenir un a radical en sanskrit. En ce qui concerne lat. pignus, -oris, le rapprochement avec la famille de pangere a été proposé depuis longtemps pour des raisons sémantiques, mais il achoppait sur le vocalisme radical. La première prise en compte du sens et de la formation de pignus remonte à un article fameux de Meillet, « Sur le suffixe indo-européen %%*%%-nes- »((MSL 15, 1908-1909, p. 254-264.)). Meillet insérait pignus dans un ensemble de termes d’aspect juridique qui ont tous à voir avec la richesse et la propriété ; citons entre autres sk. rékṇa-, ápna- « biens richesses », dráviṇa- « biens mobiliers », gr. κτήνεα « biens, troupeaux », δάνος « argent prêté à intérêts », lat. fēnus « produit, intérêts », pignus « gage », mūnus (pl. fréquent mūnia) « cadeau, service rendu, fonction ». Pour autant, Meillet ne proposait aucune étymologie satisfaisante pour pignus. Pourtant, d’autres ont soutenu le rapprochement de pignus avec pangere pour des raisons de sens, sans pour autant apporter d’explication formelle convaincante. « Daß das Wort zu păngo gehört, écrivait Niedermann en 1897, wird wohl von niemandem bezweifelt. »((Cité par Sandoz 1986 p. 567.)) Et Mahlow, en 1926 : « pignus Pfand gehört offenbar zu pactum, also zur Wurzel pak. Ein pignus sichert die Erfüllung des pactum. » En effet, le pignus est ce qui garantit l’accord (la valeur du substantif est « médiative »). Et l’on trouve la iunctura pignus/pignora pacis chez Virgile et Tite-Live((41 Voir Sandoz 1986 p. 572.)). | + | Depuis le XIXe s., les savants ont été tentés de rapprocher de %%*%%//pāg-///%%*%%//păg-// l’adjectif sk. //pajrá-// « fort, solide, stable ; sur quoi/qui l’on peut compter, sûr ». Le problème est que, aujourd’hui, la racine se posant sous la forme degré plein %%*%%//peh<sub>2</sub>g/k-// et degré %%*%%//ph<sub>2</sub>g/k-//, on ne peut a priori obtenir un a radical en sanskrit. En ce qui concerne lat. //pignus, -oris//, le rapprochement avec la famille de //pangere// a été proposé depuis longtemps pour des raisons sémantiques, mais il achoppait sur le vocalisme radical. La première prise en compte du sens et de la formation de pignus remonte à un article fameux de Meillet, « Sur le suffixe indo-européen %%*%%//-nes-// »((MSL 15, 1908-1909, p. 254-264.)). Meillet insérait //pignus// dans un ensemble de termes d’aspect juridique qui ont tous à voir avec la richesse et la propriété ; citons entre autres sk. //rékṇa-, ápna-// « biens richesses », //dráviṇa-// « biens mobiliers », gr. κτήνεα « biens, troupeaux », δάνος « argent prêté à intérêts », lat. //fēnus// « produit, intérêts », //pignus// « gage », //mūnus// (pl. fréquent //mūnia//) « cadeau, service rendu, fonction ». Pour autant, Meillet ne proposait aucune étymologie satisfaisante pour //pignus//. Pourtant, d’autres ont soutenu le rapprochement de //pignus// avec //pangere// pour des raisons de sens, sans pour autant apporter d’explication formelle convaincante. « Daß das Wort zu //păngo// gehört, écrivait Niedermann en 1897, wird wohl von niemandem bezweifelt. »((Cité par Sandoz 1986 p. 567.)) Et Mahlow, en 1926 : « //pignus// Pfand gehört offenbar zu pactum, also zur Wurzel pak. Ein //pignus// sichert die Erfüllung des //pactum//. » En effet, le //pignus// est ce qui garantit l’accord (la valeur du substantif est « médiative »). Et l’on trouve la //iunctura pignus// / //pignora pacis// chez Virgile et Tite-Live((Voir Sandoz 1986 p. 572.)). |
- | Pignus pourrait certes s’expliquer par %%*%%peg- ou %%*%%pek-, avec la même fermeture de la voyelle devant -gn- qu’on observe dans dignus, tignum, lignum, signum, mais %%*%%peg- ne paraît pas a priori pouvoir être un produit de %%*%%peh2g/k- ou %%*%%ph2g/k-. Admettre, comme d’aucuns l’ont fait, une « Nebenform » sans laryngale n’est pas une solution satisfaisante. | + | //Pignus// pourrait certes s’expliquer par %%*%%//peg-// ou %%*%%//pek-//, avec la même fermeture de la voyelle devant //-gn-// qu’on observe dans //dignus//, //tignum//, //lignum//, //signum//, mais %%*%%//peg-// ne paraît pas a priori pouvoir être un produit de %%*%%//peh<sub>2</sub>g/k-// ou %%*%%//ph<sub>2</sub>g/k-//. Admettre, comme d’aucuns l’ont fait, une « Nebenform » sans laryngale n’est pas une solution satisfaisante. |
- | La question a été reprise par Lamberterie (1996). On peut ramener pignus à la racine %%*%%peh2g/k-, au degré plein, si l’on admet une application de la « loi de Lubotsky » : une séquence %%*%%eHD+C > eD+C (D = occlusive sonore ; C = toute consonne). Autrement dit, la laryngale tombe lorsqu’elle est la première d’un groupe de trois consonnes dont la seconde est une occlusive sonore. Ainsi peut s’expliquer pignus < %%*%%peg/k-nes- < %%*%%peh2g/k-nes-, de même que sk. pajrá- < %%*%%peg-ro- < %%*%%peh2g-ro-. | + | La question a été reprise par Lamberterie (1996). On peut ramener //pignus// à la racine %%*%%//peh<sub>2</sub>g/k-//, au degré plein, si l’on admet une application de la « loi de Lubotsky » : une séquence %%*%%/eHD+C > eD+C (D = occlusive sonore ; C = toute consonne). Autrement dit, la laryngale tombe lorsqu’elle est la première d’un groupe de trois consonnes dont la seconde est une occlusive sonore. Ainsi peut s’expliquer //pignus// < %%*%%//peg/k-nes-// < %%*%%//peh<sub>2</sub>g/k-nes-//, de même que sk. //pajrá-// < %%*%%//peg-ro-// < %%*%%//peh<sub>2</sub>g-ro-//. |
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- | Lat. pāx est un nom-racine hérité qui doit sa longue à l’allongement des monosyllabes. | + | Lat. //pāx// est un nom-racine hérité qui doit sa longue à l’allongement des monosyllabes. |
- | Il faut sans doute partir d’un étymon it. com. %%*%%păk- f. « lien, accord, paix ». | + | Il faut sans doute partir d’un étymon it. com. %%*%%//păk-// f. « lien, accord, paix ». |
- | L’archaïque păciō f. « convention, accord entre deux parties » reflète le thème %%*%%păk- à brève radicale de la même façon que dĭciō continue l’ancien nom-racine %%*%%díḱ-s. Le gotique %%*%%fagrs « convenable » et le v.h.a. fagar « beau » reflètent un dérivé germ. com. %%*%%faǥraz (< %%*%%ph2ḱ-ró- « adapté à, lié avec »). | + | L’archaïque //păciō// f. « convention, accord entre deux parties » reflète le thème %%*%%//păk-// à brève radicale de la même façon que //dĭciō// continue l’ancien nom-racine %%*%%//díḱ-s//. Le gotique %%*%%//fagrs// « convenable » et le v.h.a. //fagar// « beau » reflètent un dérivé germ. com. %%*%%//faǥraz// (< %%*%%//ph<sub>2</sub>ḱ-ró-// « adapté à, lié avec »). |
- | Il existe un dérivé %%*%%ph2ḱ-tó- dans le lat. %%*%%păc-tus « en accord avec » qui est à la source du déponent păc-īscor. On relève dis-pec-tus « dont l’accord est rompu » (< %%*%%dwis-păk-to-) chez Apulée, (Mét. 4, 26, 8, dispectæ nuptiæ « mariage rompu »). | + | Il existe un dérivé %%*%%//ph<sub>2</sub>ḱ-tó-// dans le lat. %%*%%//păc-tus// « en accord avec » qui est à la source du déponent //păc-īscor//. On relève //dis-pec-tus// « dont l’accord est rompu » (< %%*%%//dwis-păk-to-//) chez Apulée, (Mét. 4, 26, 8, //dispectæ nuptiæ// « mariage rompu »). |
- | Il est donc possible que le lat. %%*%%păctus « en accord avec » soit à l’origine du v.-lat. păcō « établir une convention ». | + | Il est donc possible que le lat. %%*%%//păctus// « en accord avec » soit à l’origine du v.-lat. //păcō// « établir une convention ». |
- | Pour le sens de « convention », on peut citer le m.-p. pašt « convention, accord » qui continue i.-ir. %%*%%pać-ta- (%%*%%pć-tá- < %%*%%p(H)ć-tá- < %%*%%ph2ḱ-tó-) « lié, en accord ». On peut admettre un nom-racine i.-ir. %%*%%páHć-, %%*%%pHć-ás m. « lien » qui se prolongerait dans le véd. pâśa- m. pl. « rêts, filet », lequel reposerait sur la resegmentation d’un ancien accusatif athématique %%*%%páHć-am (< %%*%%póh2ḱ-ṃ) en %%*%%pâśa-m. Le degré zéro du thème est reflété par l’av. fsǝ̄-bīš. On relève cette vieille forme d’instrumental pluriel fossile dans un passage du Vīdēvdāt 4. 51, aiiaŋhaēnāiš fsǝ̄-bīš auua.pašāṯ « qu’il attache avec des liens de métal ». Il faut admettre ici comme forme de fondation l’ancien génitif singulier %%*%%fs-ō (< i.-ir. %%*%%pHć-ás < %%*%%ph2ḱ-és). On peut a priori admettre un ancien paradigme i.-e. %%*%%póh2ḱ-ṃ, %%*%%pé(h2)ḱ-s « chose fixée, lien » refait en %%*%%póh2ḱ-ṃ avec généralisation de la sourde. Le génitif singulier archaïque %%*%%pé(h2)ḱ-s, présentant l’effet de la loi de Lubotsky, aurait ainsi été normalisé en %%*%%ph2ḱ-és sur degré zéro (GARNIER, 2010 : 328-9). | + | Pour le sens de « convention », on peut citer le m.-p. //pašt// « convention, accord » qui continue i.-ir. %%*%%//pać-ta-// (%%*%%//pć-tá-// < %%*%%//p(H)ć-tá-// < %%*%%//ph<sub>2</sub>ḱ-tó-//) « lié, en accord ». On peut admettre un nom-racine i.-ir. %%*%%//páHć-//, %%*%%//pHć-ás// m. « lien » qui se prolongerait dans le véd. //pâśa-// m. pl. « rêts, filet », lequel reposerait sur la resegmentation d’un ancien accusatif athématique %%*%%//páHć-am// (< %%*%%//póh<sub>2</sub>ḱ-ṃ//) en %%*%%//pâśa-m//. Le degré zéro du thème est reflété par l’av. //fsǝ̄-bīš//. On relève cette vieille forme d’instrumental pluriel fossile dans un passage du //Vīdēvdāt// 4. 51, //aiiaŋhaēnāiš fsǝ̄-bīš auua.pašāṯ// « qu’il attache avec des liens de métal ». Il faut admettre ici comme forme de fondation l’ancien génitif singulier %%*%%//fs-ō// (< i.-ir. %%*%%//pHć-ás// < %%*%%//ph<sub>2</sub>ḱ-és//). On peut a priori admettre un ancien paradigme i.-e. %%*%%//póh<sub>2</sub>ḱ-ṃ//, %%*%%//pé(h<sub>2</sub>)ḱ-s// « chose fixée, lien » refait en %%*%%//póh<sub>2</sub>ḱ-ṃ// avec généralisation de la sourde. Le génitif singulier archaïque %%*%%//pé(h<sub>2</sub>)ḱ-s//, présentant l’effet de la loi de Lubotsky, aurait ainsi été normalisé en %%*%%//ph<sub>2</sub>ḱ-és// sur degré zéro (GARNIER, 2010 : 328-9). |
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