Ceci est une ancienne révision du document !
7. Descendance dans les langues romanes
7.1. Descendance dans les langues romanes par la voie phonétique
7.1.1. Les faits attestés dans les parlers romans
Selon les travaux actuels du DERom
, les descendants du verbe latin cognōscere dans les langues romanes remontent à trois séquences phonologiques différentes du protoroman, notées :
*/kog- ‘nosk-e-/ « avoir présent à l’esprit quelque chose »,
*/kon- ‘nosk-e-/ même sens,
*/ko- ‘nosk-e-/ même sens,
l’une avec le phonème /g/ à la coda de la première syllabe, l’autre avec le phonème /n/ dans cette même position, la troisième avec une syllabe initiale ouverte.
Les critères de distribution entre les trois séquences sont, selon le DERom, de nature diatopique (géographique).
Le protoroman */kog-‘nosk-e-re / est continué par istriot. kugnùsi, ait. cognoscere, itsept. cognóscere, itcentr. cognóscere, tosc. cognosce, cors. cognosce, laz. cognosce, romanch. cugnuoscher, frioul. cognossi, frpr. ˹coñotre ˺, aesp. coñecer, ast. coñocer, gal. coñecer / port. conhecer. Ces formes sont attestés « dans le domaine périalpin (avec des stolons jusqu’au Latium) et la péninsule ibérique. Les graphies <gn > antérieures au XVIIesiècle sont étymologiques et non phonétiques. Dans une perspective plus phonologique, on pourrait reconstruire */ko-‘niosk-e- / ».
Le protoroman*/kon-‘nosk-e-re/, de même sens, est continué par dacoroum. cunoaşte, istroroum. conoşte, méglénoroum.cunòstiri, aroum. cunoaştiri, sard. konnòskere, fr. connaître (depuis la fin du XIes. ; conoistre), occ. conoiser, gasc. conoxer. Le roumain, le sarde, le ladin et le galloroman (à l’exception du francoprovençal) présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */kon-‘nosk-e-/ verbe transitif « avoir présent à l’esprit quelque chose, connaître ». Cette forme protoromane fut formée à l’aide du préverbe */kon-/ sur la base romane */nosk-/.
Le protoroman */ko-‘nosk-e-re /, de même sens, est continué par dalm. konuásk, it. conoscere (depuis 1230-1250), lad. conësce, cat. conèixer, esp. conocer, ast. conocer, gal. conocer. À l’exception du galloroman et du roumain, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */ko-‘nosk-e-/, qui fut formé avec le préverbe */ko-/ sur la base */nosk-/.
7.1.2. Comment rattacher les faits latins aux faits romans ?
Le latin a probablement connu deux préverbés constitués à deux époques différentes et dénotés par la même séquence graphique <cognosco > (§ 1 et § 5.1.1.).
Dans le préverbé le plus ancien issu de *con-gnōscō, on suppose généralement que l a séquence graphique <gn > se prononçait [ ŋ.n] comme dans //signum// avec une évolution phonétique aboutissant à [ ŋn]. Ces deux nasales connaissent ensuite une assimilation réciproque en deux nasales palatales, qui se simplifient en une nasale palatale simple
.
Mais dans le second préverbé
en *cŏn-nōscō , il convient de poser la prononciation
[ n.n] avec deux nasales dentales, prononciation qui s’est maintenue dans un grand nombre de parlers romans. Le groupe intérieur [ n.n] se simplifie ensuite en une nasale dentale simple (fr. connaître).Ce second préverbé latin correspond à la séquence phonologique */ko‘nosk-/ reconstruite par le DERom dans sa version de 2008 et aux deux séquences notées */kon-‘nosk-e-/ et*/ko-‘nosk-e-/ dans la version du DERom du 19-1-11.
L’autre prononciation
[ko ŋ.’no:s.ko:] c orrespond à la séquence phonologique notée */kog‘nosk-/ reconstruite par le DERom (dans la version de 2008) ou */kog-‘nosk-e-/ (dans la version du 19-1-11) et attestée dans les parlers romans, moins nombreux, situés dans des zones plutôt périphériques. Le groupe intérieur
[ ŋ.n] semble y avoir subi le même traitement phonétique que le même groupe, noté par la séquence graphique <gn>, dans lat.signum « signe »,agnus « agneau », etc. (voir l’article //signum//, § 1).
7.2. Les emprunts savants faits dans les langues anciennes et contemporaines
Si les langues romanes n’ont pas emprunté le verbe lat. cognoscere à proprement parler, de nombreux lexèmes de sa famille y sont bien représentés :
- esp. : cognición (1480), emprunt de lat. cognitio; cognoscitiuo (1610).
- fr. : cognition, cognitif, cognitivisme, etc.
- it. : cognazióne, cognito / incognito, cognitivo (qui constitue un doublet avec conoscitivo, forme bâtie sur la base héritée), cognitivismo, etc.
L’anglais a emprunté, directement ou indirectement, de nombreux lexèmes de la famille de cognoscere ; mais contrairement aux langues romanes considérées ci-dessus, il emprunte aussi le verbe latin lui-même, angl. cognosce [kɒg’nɒs], avec son sens judiciaire d’« enquêter » (première attestation à la fin du XVIesiècle) ; angl. cognosce prend ensuite le sens plus large de angl. cognize « connaître, prendre connaissance de », qui est lui-même formé sur le radical latin emprunté, cogn-, mais avec une formation anglaise en -ize ou -ise. Angl. recognize est antérieur à cognize ; ce radical anglais (cogniz-) fut très productif : cognizable, cognizably, cognizance, cognizor, cognizee …
L’anglais a aussi cognoscible (et une variante en cogniscible) à côté de cognizable.
Retour au § 6 ou Retour au plan général de l'article ou Aller au § 8