barba, -ae (f.)
6. Histoire au cours de la latinité et étymologie
6.1. Histoire au cours de la latinité
Voir ci-dessus le §3.
6.2. Etymologie
L’étymologie de barba, si elle est évidente depuis les débuts de la grammaire comparée, pose des problèmes de détail. Les correspondants de barba se trouvent en germanique et balto-slave. Les prototypes varient un peu selon les langues 1) :
- nom thématique *bhardh-o- pour expliquer germ. *barda- (masculin ou neutre), v.-h.-a. bart, v.-angl. beard, v.-isl. barð ;
- nom en *-ā (< *-eh2-) *bhardh- eh2- pour lat. barba, v.-sl. brada ;
-variante avecs inséré *bharsdh-eh2- pour lit. barzdà, lett. bā̀rda (dialectal bârzda, bârzde).
6.2.1. Questions de phonétique latine
En latin, *bh- initial aboutit normalement à une spirante sourde f-. En revanche, le traitement occlusif de *-dh- intérieur en -b- est normal. On attendrait donc lat. *farba. On admet que, dans ce mot, la séquence -rb- a provoqué une assimilation régressive à distance et causé la transformation en occlusive de l’initiale. Il n’y a pas d’autre exemple de cette évolution, plausible en elle-même. Pour le sabellique, dans lequel le mot n’est pas attesté, il faudrait partir de *farfā.
6.2.2. Correspondants
Ce nom de la « barbe » n’était peut-être pas isolé 2), et n’était pas forcément un immotivé en i.-e., car l’on peut peut-être le rapprocher de sk. bhṛṣtí- « pointe, extrémité » 3), all. Borste « soie de sanglier, poil de balai » et all. Bürste « brosse », all. barsch « brusque, rude, rugueux (figuré) » et all. Barsch « perche » (poisson aux écailles rugueuses)4).
6.2.3. Barba et lat. fastigare, fastigium
S’il faut bien poser une base (racine ?) *bher-(s)-, et sur la foi de sk. bhṛṣtí-, on est tenté de rapprocher barba de fastīgō, -āre et fastigium 5). Le verbe fastīgō pourrait s’analyser comme *bhṛsti-h2(e)g-. Une séquence *bhṛsti- aboutirait à *farst(i)-, qui se réduirait à fast- 6). Cette hypothèse est défendue par De Vaan s.v., qui ne rapproche toutefois pas barba.
6.2.4. Barba et lat. forare
En revanche, Seebold rapproche le nom de la barbe des mots signifiant « pointe, extrémité, piquant » et n’hésite pas à ajouter aux formes nominales le verbe all. bohren « percer, forer », dont l’apparentement avec le verbe lat. forāre est admis depuis longtemps. Tout cela reste, évidemment, hypothétique, mais on retrouverait alors une forme de la base avec un f initial conservé.
6.2.5. En second terme de composé
Un mot comme « barbe » se prêtait bien à former des composés possessifs, bahuvrīhi, de type ancien.
En latin, on ne trouve guère que ahenobarbus « à la barbe d’airain », c’est-à-dire « barberousse ».
En germanique, le plus connu des composés de ce genre signifie « pourvu d’une longue barbe » et apparaît dans l’ethnonyme latinisé Langobardi (« les Lombards »), ce qui rejoint l’interprétation synchronique d’Isidore de Séville (voir §5.2). Ce composé possessif apparaît aussi dans le v.-isl. langbarðr, qui est entre autres une épithète d’Odin 7).
Ce composé, rare, est d’autant plus intéressant que, en scandinave, barð ne désigne plus du tout la barbe, mais le bord (d’un chapeau, d’un casque), le côté, le tranchant, le fil, la proue effilée d’un navire 8).
Le germanique a un dérivé v.-isl. barða (féminin en nasale), v.-h.-a. parta, parte, m.-h.-a. barte qui désigne une sorte de hache de combat, d’où helmbarte litt. « hache à poignée » 9). Ce terme germanique est passé en français avec la même valeur référentielle sous la forme fr. hallebarde.